Gonzalo Márquez Cristo - FRANCÉS


Fotografía: Carlos Duque

(Traduction: Michèle Goldstein)
Gonzalo Márquez Cristo né á Bogota en 1963. Il a publié du recueil de poèmes Apocalipsis de la Rosa (Apocalypse de la Rose - 1989 et 1990), le roman Ritual de Títeres (Rituel de Marionnettes, 1992), La palabra liberada (2001), Oscuro nacimiento (2005), Grandes entrevistas de Común Presencia (2010), et le recueil El Tempestario y otros relatos (Le Régisseur des Tempêtes et autres récits, 1998), d'où nous avons pris les deux textes suivants (Symétries et Personne). En 1989 it a participé à la fondation de la revue culturelle Común Presencia, dont it est le directeur.

SYMÉTRIES
La nuit est tombée. Moi Hazra Kidu, je suis allé á la pêche, et la chance ne m'a pas aidé. Toutes les fois que j'ai lancé mon filet, je l'ai retiré vide, parce que ma cinquième femme à la maison peignait sa longue chevelure, malgré mon interdiction. Tandis qu'elle chantait, en affinant les nuances de sa voix, le vent ici déchaîna sa fureur autour de mon navire. Intense est la tempête, mes mains saignent de ce combat sans fin contre l’orage.

Je l'imagine qui entre dans la chambre; la voici qui se dénude: les voiles se déchirent et je suis à la dérive. Je pressens son but fatal. Si elle renverse son verre de vin —c'est certain— il me sera difficile de survivre.

Si elle décide d'éteindre la lampe, le ciel se couvrira de nuages, je me perdrai, jamais je ne trouverai le chemin du retour.

J'ignore si je pourrai me venger: la nuit est si longue....




PERSONNE

Il a disparo. Sans laisser de trace: nous attendons encore son retour.

Ceci prouve qu’on ne l’avait pas reconnu. La transformation intérieure avait porté ses fruits sur son visage.

Alors, perdant toute frayeur, il irait se cacher quelque part pour détruire les derniers signes de son identité. Il s'efforcerait de suivre le stratagème dont it avait rêve: abandonner son nom, sa langue, sa culture, son pays, et même l'amour. Mais it ne renoncerait pas à son Moi si vertigineux, it ne cesserait pas d'être l’intense, l’égaré, le jumeau de la mort... Il ne serait personne pour être tous les hommes. Et, se regardant avec attention dans le dernier miroir, it jurerait avec emphase de ne jamais retourner á Ithaque.








P O È M E S





LA VIE ET LA BOUSSOLE

Ils crurent déchiffrer les hiéroglyphes du temps, ils surent que leur destination était le lieu de leur mort et ils décidèrent de mettre leur dernier masque... C’est pour cela que nous nous mîmes à les suivre.

Ils menacèrent la nuit, ils virent la passion se réduire en amour et ils acceptèrent le seul oui qui leur était encore offert: le silence.

Ils pleurèrent en vérifiant qu’ils avaient besoin d’un dieu pour chaque arbre ou étoile soutenue dans un regard.

Éboulement d’images....

Dans les temps à venir –dirent-ils– tout bonheur sera hostile et le plus humain sera encore la guerre.

Ceux qui écoutent encore la pluie –dirent-ils– ne pourront survivre; les autres –les uniques– apprendront la douleur et seront les seuls à perdurer.

Encore un millénaire avant qu’ils puissent à nouveau entendre leurs rêves, avant que le voyageur récupère le charme de l’égarement.

Encore un autre, pour que le haut lien du rite leur invente une mort juste.





QUI A DIT QUE MOURIR ÉTAIT PARTIR ?

On invente les mots pour cacher quelque chose, pour ne pas se fourvoyer, dans le pire des cas pour se sauver... parce que rêver dans cet Age du feu, prendre le chemin de l’exil ou survivre, équivaut à une trahison.

Le poème nous dénonce. La vérité a laissé des marques sur les visages. Qui a dit que mourir était partir? Où sont tous ceux qui ont parachevé leur douleur? Jusqu’à quand devrons-nous payer pour tout ce que nous avons fait à la nuit?

Nous sommes sûrs du retour des inquisiteurs. Nous avons poussé la dévastation si loin que ceux qui viendront devront créer un autre dieu invisible pour pouvoir survivre.

L’imagination n’a pu nous guider. Nous avons toujours combattu aux côtés de nos ennemis. Dans l’indifférence, ou mêlés à leurs vains conflits, et seul un éloge éclatant pourrait nous délivrer de leur monde précaire. Non pas celui de la défaite.... De la victoire nul ne se sauve.

De la poésie au désir, en passant par des drogues vidées de leurs rites, ou d’étranges fétiches, ou de cruelles utopies encore, nous nous abandonnons avec ardeur aux formes les plus diverses de l’auto-destruction.

La connaissance n’a rien fait pour la vie. Ni la religion ni la prostituée qui vend des présages.

La vérité n’est que dans la porte qui s’ouvre. Dans une nuance, dans un brin d’herbe, dans une gorgée d’eau. Dans un cri.

Etre c’est chercher.

La poésie ou le désespoir nous ont trouvé une couleur inconnue. Nous avons appris que le temps se niche dans les miroirs et que semer c’est demander à la terre.

Mais tant que nous n’aurons pas remplacé la semence nous n’aurons rien appris.

La petite épée de la minuterie teint notre torse en rouge. Il ne faut conjuguer le verbe mourir qu’à la première personne. Le temps pousse.

Je sens qu’un autre vit mes rêves...




LA PAROLE ROMPUE

On ne peut pas toujours se fier à la mort.

Dans ce pays des décombres nous rêvons d’un cri perfectionné au cours d’une nuit impossible à interrompre.

Plus personne n’apprend rien du silence.

Ne pouvant hériter que ce qui appartient à tous je me prépare sans grande chance à me rendre libre, pour abolir toute crainte que n’invente l’amour...

Parfois la lune: le souvenir, ou parfois le soleil: l’étranger, nous oblige à l’espoir. Pourtant chacun sait la forme et l’heure de son assassinat.

Si l’indifférence redevient douleur.... pourrons-nous nous sauver?